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Automatisation, robotisation et emploi




Par Claude THIRRIOT (ENSEEIHT) des Amis de la Terre Midi Pyrénées

Fin 2013, j’ai été suffoqué par deux informations concernant les USA. L’une annonçait que dans la décennie à venir, la perte des emplois du fait des automatisations serait de 30 %. L’autre prédisait une perte de 47 % sur une période de 20 ans. Je me décidais à en savoir plus. A plusieurs reprises, l’annonce de la destruction des emplois de 47 % est revenue dans les informations, et j’appris ainsi que cette perspective provenait d’un département de recherche de l’université britannique d’Oxford.
J’essayais de savoir si des chiffres prospectifs avaient été aussi proposés en France. Les numériciens de l’Agence BERGER qui avaient lancé l’étude en 2013 parlaient déjà en 2014 d’une estimation à 41 % du risque de destruction des emplois du fait de l’automatisation.

Mais en ce début d’année 2017, le Conseil d’Orientation pour l’Emploi (C.O.E.) ramènerait la probabilité à moins de 10 %. L’intervalle entre les deux probabilités est énorme. On peut se poser la question de la définition de cette estimation : s’agit-il de la perte d’emplois réels existant actuellement sans tenir compte de l’apparition d’emplois nouveaux en grand nombre, ou bien de l’évaluation de la différence entre le nombre d’emplois perdus et le nombre d’emplois qui n’existent pas encore ? En effet, dans le passé, le transport axé sur le cheval a été avantageusement remplacé par le transport mécanique.

Suivant le Conseil d’Orientation pour l’Emploi (C.O.E.) la destruction des métiers limitée à 10 % donnerait 5 millions de chômeurs en plus, soit grosso modo le double des chômeurs actuels. Pour l’Agence BERGER, avec son chiffre de 41 % de disparition des emplois, cela conduirait à plus de 12 millions de chômeurs. Vraiment un cataclysme social ! Heureusement, si on peut dire, il y a du temps pour les citoyens et les politiques pour réfléchir et réagir.

La presse par ses images de robots androïdes telles que ses geishas japonaises et son robot humanoïde Pyren de nouvelle génération du laboratoire toulousain LAAS-CNRS, donnerait peut-être une idée rétrécie de l’automatisation.

Bien sûr, il y a dans les machines de l’industrie et du commerce une part de plus en plus grande d’automatismes et d’autonomie. Mais l’automatisation se glisse partout. Dans les entreprises publiques où l’on supprime des guichets,
comme à la poste où les employés circulent au-devant des clients pour leur expliquer comment utiliser les nouvelles bornes.

Au Ministère des Finances, les possibilités offertes par le magnifique développement de l’internet permet de faire établir par les contribuables les documents prêts à l’archivage dont s’occupaient il y a très peu de temps les fonctionnaires avec les déclarations papier. On attend l’heure de la retraite pour éclaircir les rangs...

Prenons aussi le cas des caisses automatiques qui fleurissent un peu partout. Entre 2007 et 2015, il se serait installé 20 000 caisses automatiques.

La revue « Notre Temps », dont les lecteurs sont surtout des « seniors » a posé la question « Êtes-vous favorable aux caisses automatiques ? »
Non, cela supprime des emplois : 55
Non, je préfère le contact humain : 25%
Non,ce n’est pas facile à utiliser : 6%
Oui, il faut s’adapter au progrès : 3%
Oui, cela fait gagner du temps : 1%
Sans opinion : 1%

Sur France Info (groupe Radio France), Isabelle RAYMOND signale qu’AUCHAN menace 2 000 postes de caissiers et caissières selon la CFDT, soit 20 % des effectifs dans les 3 ans à venir. AUCHAN aurait un objectif final de 50% du volume des encaissements par caisses automatiques, ce que la direction dément, mais ne nie pas et justifie « pour faire diminuer l’attente aux caisses ».

Entre 2007 et 2015, il semblerait que caissiers et caissières aient perdu en France 20 000 emplois.

Le service en ligne prolifère dans les banques et les agences de voyages et de tourisme.
Dans les banques, le nombre des salariés est passé de 387 000 en 2009 à 372 000 en 2015, mais la proportion de cadres est passée de 40% à 47% entre 2013 et 2015.

Dans les agences de tourisme, l’activité « en ligne » directe a généré 500 créations d’emplois, alors que pour les agences « physiques » il y a eu diminution de 300 agences entre 2013 et 2015.

Alors que deviendront les jeunes à la recherche d’emploi ?
Certains hommes politiques ont parlé d’allocation universelle ou de revenu de vie, encore bien utopique malgré les efforts de Benoît HAMON. Il sera bon de regarder les quelques initiatives envisagées au - delà de nos frontières.
Par exemple en Finlande, sur les 5,5 millions d’habitants, 2 000 personnes de 25 à 58 ans ont été choisies pour toucher 560 euros mensuels, tout en continuant à bénéficier de l’allocation logement et de l’assurance des frais de santé.
En parallèle, un groupe test de chômeurs touchant à peu près les mêmes montants seront comparés à la fin du test en 2018.
Plus près de nous, en Gironde, un projet encore flou de revenu universel inconditionnel de 700 euros mensuels serait expérimenté suivant l’un des 4 scénarios actuellement à l’étude. Mais la mise en route attend l’accord d’un mécène.

Il est aussi question d’instaurer une recette fiscale sur les processus d’automatisation et sur l’usage des robots, mais cela aussi reste flou.

Enfin, on reparle de partage du travail mais là, le plus difficile vraisemblablement est la résistance des salariés en activité devant la perspective d’un montant réduit des salaires malgré un temps de travail adouci. Dans une négociation, on pourrait mettre en place un bonus de salaire, en lien avec la diminution du temps de travail.

Et pour finir, je citerai des points de vue d’institutions internationales comme l’Organisation de Coopération et Développement Économique (0.C.D.E.) et la Banque Mondiale.

L’O. C. D. E. considère qu’une allocation universelle pourrait être un facteur efficace pour lutter contre la pauvreté, ce qu’elle développe dans un rapport « le revenu de base, que changerait - il ? » préparé à la demande conjointe de quatre pays : Finlande, France, Italie et Royaume Uni.
La Banque Mondiale, par son Président Jim Yong Kim, a annoncé que l’automatisation pourrait faire disparaître 70% des emplois existants dans les pays en voie de développement.
Mais les prospectives les plus négatives ne se réaliseront pas forcément si citoyens et politiques associés proposent des accommodements, mêlant les solutions examinées individuellement telles que mise en route progressive, incitation fiscale, partage du travail, et régulation de la consommation désordonnée et de la recherche de profit maximum.


Publié le vendredi 15 septembre 2017.