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Le « greenwashing » au secours des grandes opérations d’aménagement




Il y a plus de quarante ans, dans la BD « L’An 01 », Gébé représentait déjà l’urbanisation galopante qui progressait telle une nappe épaisse et rigide recouvrant irrémédiablement les espaces naturels. C’est à cette époque qu’a débuté le cercle infernal du développement du trafic automobile : l’usage de la voiture individuelle entraîne un étalement urbain qui le stimule en retour. Vastes zones d’activités et de commerces, marées pavillonnaires, nouvelles infrastructures routières, faiblesse des dessertes de transport en commun : tous ces éléments s’alimentent les uns les autres.

Ainsi, amorcé à l’époque de l’énergie bon marché, le cercle vicieux se perpétue, au point qu’en France l’artificialisation des sols augmente quatre fois plus vite que le croissance démographique (+1,9% par an entre 2006 et 2009). Au sein de la Grande Agglomération toulousaine, ce sont 680 ha par an de terres agricoles et naturelles qui ont été consommés entre 1999 et 2007. Différentes lois ont tenté d’encadrer la croissance urbaine et de limiter les besoins en déplacements : la loi Solidarité et Renouvellement urbain en 2000, la loi Urbanisme et Habitat en 2003 et enfin la loi dite « Grenelle II » en 2010. Les dispositions qui en sont issues sont notamment censées obliger les élus locaux à plus de réflexion en matière d’urbanisme pour se rapprocher du modèle de la ville « compacte ». Pourtant, on continue d’ouvrir ou d’étendre des zones d’activités à la périphérie des villes, même lorsqu’il existe encore de vastes emprises foncières exploitables dans le tissu urbain existant. De même, on continue à créer de nouvelles zones pavillonnaires même lorsqu’il existe un taux de vacance important des logements dans les centre-bourgs. Pire : sous l’effet du syndrome des élus qu’on pourrait qualifier d’arrière-garde, parce que désireux de laisser dans le paysage une empreinte bien visible de leur longue carrière, on continue de voir fleurir des projets de grande envergure aussi dévastateurs qu’inutiles.

Notre région connaît ainsi quelques projets pharaoniques aux noms pompeux, censés marquer l’entrée dans les territoires : les « Portes du Tarn » à Saint-Sulpice sur Tarn (dont nous avions déjà parlé dans la feuille verte n°228) et les « Portes de Gascogne » à Plaisance-du-Touch. Zones d’activités et de commerces pour le premier, gigantesque centre commercial pour le second [1], ces projets sont prévus dans des secteurs agricoles ou naturels, éloignés du tissu urbain existant (la localisation des Portes du Tarn est justifiée par ses promoteurs par son emplacement « stratégique » entre la voie de chemin de fer et l’autoroute). Ces deux projets se caractérisent également par une absence de pertinence économique (zones d’activités existantes sous-exploitées dans le cas des Portes du Tarn, offre en grandes surfaces déjà surabondante dans le cas des Portes de Gascogne et concurrence menaçant la viabilité des commerces de centre-ville dans les deux cas). Mais les promoteurs du projet parient sur le fait que les citoyens croiront en l’équation fallacieuse « grand projet = création de nombreux emplois » (aidés en cela par la région qui a attribué le label de « zone d’intérêt régional » aux Portes du Tarn). Pour mieux vendre le projet, les promoteurs des Portes de Gascogne ont rebaptisé le projet « Val Tolosa », lui donnant ainsi un petit parfum de terroir. Mais plus encore : comme de nos jours l’écologie est devenue un argument marketing, les bétonneurs n’hésitent pas à draper leurs projets des oripeaux de l’écologie.

Concernant le projet des Portes du Tarn, voici ce qu’on peut lire sur le site de la communauté de communes Tarn-Agout : « Pour mener à bien ce projet, les Élus ont souhaité participer à une démarche d’écologie industrielle permettant d’intégrer le parc d’activités dans son environnement à travers une démarche écologique, durable et une gestion économe dans son fonctionnement. La démarche du projet a d’ores et déjà pris en compte ces principes, il s’agit d’assurer une cohérence environnementale, économique et urbaine tout au long de la vie du parc (de la conception à la gestion) dans le but de maîtriser l’impact du site d’activités de manière globale. » Concrètement, cela signifie essentiellement que sur les 200 ha de la zone, 50 ha seront consacrés à des « espaces verts », à des « activités agricoles à valeur ajoutée » ou encore à des « bois protégés ». Notez que ceci ne mange pas de pain puisqu’il s’agit juste de maintenir ce qui existe déjà. Elargir l’emprise d’une ZAC pour y intégrer des espaces qu’on ne bétonnera pas et ainsi pouvoir afficher que le quart de la surface sera de couleur verte, voilà une astuce simple pour se faire passer pour un créateur de nature ! De même, le schéma d’aménagement prévoie des « coulées vertes » pour des circulations douces, lesquelles nous feraient presque oublier la nouvelle bretelle d’autoroute que ce projet est censé financer et les autres perspectives de liaisons routières dans le quel il s’inscrit.

Rappelons que les projets sont déjà théoriquement « blanchis » par les études d’impact obligatoires dont ils ont fait l’objet, et même par le rapport environnemental du Plan Local d’Urbanisme dans le cas des Portes du Tarn. Ces études ne sont pas censées se prononcer sur une quelconque « faisabilité écologique » du projet mais à en évaluer les incidences, à proposer des indicateurs de suivi ainsi qu’à « présenter les mesures envisagées pour éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine ». De plus, le fait qu’elles soient payées par les maîtres d’ouvrages contribue à en édulcorer fortement le contenu…

Toujours est-il que les opérations de communication visant à vendre les projets à la population mettent en exergue ces mesurettes, dont la portée est pourtant dérisoire, et font éventuellement appel à des labels. Ainsi le fascicule de présentation de « Val Tolosa » affiche immédiatement la couleur : le logo n’est pas une silhouette de consommateur ou consommatrice béat(e) mais un arbre bien feuillu. Par ailleurs le concept attribué au site, apparaissant sur la page de garde comme un sous-titre, n’est autre que « nature et commerce ». Cette étrange association d’idées rejoint celle du promoteur Unibail-Rodamco qui prétend faire de Val Tolosa “un pôle shopping et loisirs tourné vers la nature”.

A l’intérieur du livret, une page entière vise à nous démontrer que le projet est « respectueux de l’environnement » : 9 ha de parc paysager, un lac de 1,8 ha irrigué naturellement et un total de 2000 arbres plantés. Ce à quoi il faut ajouter une démarche HQE, des consommations énergétiques « limitées » et une certification « BREEAM excellent » (standard international pour la construction durable). Une image du « marché » fait apparaître une enseigne mentionnant « potager bio ». Enfin, le document se termine par une formidable mystification : «  Val Tolosa encourage l’utilisation des transports responsables ». Prétextant de la création de pistes cyclables, d’une navette électrique et d’une nouvelle ligne de bus, les concepteurs de la plaquette évitent de nous parler des 4 200 places de parking et des 20 000 déplacements automobiles quotidiens que ce projet est censé générer. Le texte vire même à l’inversion des données : «  Val Tolosa protège l’environnement » (sic). On voudrait ainsi nous faire oublier tout à la fois l’artificialisation irrémédiable de 44 ha d’espaces naturels, l’accroissement des risques d’inondation, la quantité de ressources naturelles consommées pour la construction de cet ensemble immobilier et des nouvelles infrastructures routières liées au projet, l’énergie nécessaire à son fonctionnement, les pollutions et déchets engendrés quotidiennement, etc. Le lecteur du document est censé conclure que le projet « Val Tolosa » apporte une plus-value environnementale ! La conscience tranquille, il accourra dans ce nouveau paradis vert pour surconsommer de plus belle. Business as usual !

Où en sont les procédures contentieuses concernant le projet de centre commercial de Plaisance-du-Touch ?

1) Le permis de construire, délivré en septembre 2009, a été attaqué par le collectif « Gardarem la Menude », notamment au titre de l’insuffisance des études d’impact sur la faune et la flore. La décision de justice est attendue pour la fin du mois de novembre.

2) Indépendamment de la procédure de permis de construire, les maîtres d’ouvrages doivent obtenir une dérogation chaque fois qu’ils portent atteinte à des spécimens d’espèces protégées de faune ou de flore. Ceci n’est possible que dans un nombre de cas limités, dont celui de « l’intérêt public majeur ». Cette dérogation est délivrée par le préfet, après avis de la Commission Nationale de Protection de la Nature (CNPN). Dans le cas du projet Val Tolosa, c’est tout d’abord grâce à la vigilance du collectif « Gardarem la Menude » que la DREAL [2] s’est saisie de la question. Dans un premier temps, la CNPN a émis un avis défavorable concernant la faune, puis, le maître d’ouvrage se prévalant de mesures de compensation, elle a donné un avis favorable. Le préfet a alors accordé la dérogation le 29 août 2013, soit 2 jours avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation découlant de la charte de l’environnement et rendant obligatoire la consultation du public pour toute dérogation. Le collectif a décidé d’attaquer cet arrêté, notamment au motif que celui-ci ne peut être qualifié comme relevant d’un d’intérêt public majeur.

[1A savoir 105 000 m2 de commerces dont 2 hypermarchés de 12 000m2, 28 grandes et moyennes surfaces dont une de 7 150 m2, une galerie marchande de 144 boutiques et 6 000 m2 de restauration.

[2Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement


Publié le vendredi 1er novembre 2013.