Par Jacques Dandelot, Faucheur Volontaire, Collectif anti OGM31, membre de l’Association Glyphosate Toulouse Métropole
Née en Ariège, la campagne citoyenne « j’ai du glyphosate dans mes urines, et toi ? » essaime rapidement dans toute la France. Elle est déjà opérationnelle dans la plupart des départements de la Région Occitanie.
Le glyphosate
Le glyphosate, molécule « star » d’une multitude d’herbicides dont le fameux Roundup commercialisé par Bayer-Monsanto, est revenu spectaculairement sous les feux de la rampe… sans les avoir jamais vraiment quittés.
La saga du renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate, donc des multiples herbicides en contenant, a agité les rangs de diverses assemblées autant européennes que françaises, en particulier dans les derniers mois de 2017. Finalement en novembre la licence a été renouvelée pour 5 ans en Europe et les autorités françaises ont déclaré que pour nous ce serait pour 3 ans seulement. Il reste moins de deux ans au gouvernement actuel pour tenir parole !
Plus récemment, Bayer-Monsanto était lourdement condamné par la justice américaine (victoire en première instance, la firme a fait appel) à payer une très forte amende à un jardinier qui a développé un cancer à la suite de l’utilisation d’herbicides à base de glyphosate dont le Roundup.
Au début du mois de janvier, le tribunal administratif de Lyon a annulé l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360. Ce produit était surtout utilisé en viticulture, et aussi en grande culture.
Rappelons que la vente de pesticides de synthèse aux particuliers est interdite depuis le 1er janvier 2019 : il n’est donc plus possible pour les jardiniers amateurs d’en acheter, d’en utiliser et d’en avoir en stock. Il en était déjà de même depuis le 1er janvier 2017 pour les collectivités territoriales, les établissements publics et l’État qui ne peuvent plus utiliser ou faire utiliser des pesticides pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public.
Et puis, il y a peu « Envoyé Spécial » d’Élise Lucet sur France 2 était consacré exclusivement au glyphosate et ses dangers. Audience record et immédiatement la « machine Monsanto » s’est mise en action pour réfuter point par point les dangers mis en avant par les reportages.
On ne peut que penser à l’affaire des Monsanto Papers.
Anecdote : ayant effectué quelques vérifications sur le net pour ces quelques lignes, mon ordinateur se retrouve assailli par les publicités de différents sites proposant des herbicides à base de glyphosate à la vente en ligne
(merci les algorithmes !).
Et ce n’est pas interdit ça ?
Les conséquences sanitaires des taux mesurés, la terrible réponse qui vient d’Argentine
En 2015, le photographe Pablo Ernesto Piovano a exposé son travail « The human cost of agrotoxins. How glyphosate is killing Argentina ». Une vidéo qu’il a réalisée à partir de ses travaux photographiques est visible à cette adresse : https://vimeo.com/135799349
Après l’avoir visionnée, nos batailles européennes autour du glyphosate paraissent bien dérisoires. J’ajouterai juste cette phrase prononcée devant quelques Faucheurs Volontaires par Sofia Gatica - mère argentine de Cordoba devenue militante après avoir subi dans sa chair les méfaits du glyphosate -
« Vous, les Français, vous êtes les génocidaires du peuple Argentin ! ». Elle nous rappelle durement que la culture massive du soja Roundup-ready en Argentine, pour produire les protéines végétales utilisées par l’élevage industriel en France, est la cause d’une réelle catastrophe sanitaire de l’autre côté de l’Atlantique.
La campagne « du glyphosate dans mes urines, et toi ? »
Historique
Lors du procès des Faucheurs Volontaires à Foix, suite à leur action de dénaturation de bidons de Roundup, 19 militants d’Ariège ont eu l’idée de faire des analyses du taux de glyphosate dans leurs urines afin de présenter des éléments concrets de contamination.
Surprise ! Tous les « testés » avaient du glyphosate dans leurs urines.
Aujourd’hui et quelques centaines de tests plus tard réalisés en Bretagne, à Perpignan, à Toulouse, aucun « pisseur » ou « pisseuse » sans glyphosate dans leurs urines n’a été détecté !
Les taux mesurés oscillent entre 0,41 et 3,91µg/l. La moyenne est à environ 1,2µg/l.
Conclusion
1. Tous les testés de notre groupe toulousain ont du glyphosate dans leurs urines.
2. Tout le monde est touché par la contamination
En janvier 2018, le glyphosate fut la cible de l’émission Envoyé Spécial, qui traitait d’un « glyphotest », des Monsanto Papers et du jardinier américain qui a fait condamner Monsanto.
Dans une vidéo, Élise Lucet affirme qu’une famille a vu son taux de glyphosate devenir nul en consommant exclusivement bio pendant une semaine.
Il nous paraît important de préciser que toutes les personnes testées à Toulouse lors de notre « glyphotest » le 21 décembre, étaient positives à la présence de glyphosate dans leur organisme (> 0,4 µg/L d’ailleurs) alors que nombre d’entre elles ont déclaré avoir une alimentation majoritairement bio. Même si le rôle de l’alimentation est incontestable, il faut noter que les sources de contamination sont probablement multiples et diffuses (eau du robinet par exemple).
Sur le site CheckNews.fr du journal Libération, un article du 18 janvier rédigé après l’équipe d’Envoyé Spécial de France2 consacrée au glyphosate, on peut lire : « Est-il vraiment possible de détecter des traces de glyphosate dans une analyse d’urine ? ». La réponse est oui, mais « la question est de savoir qu’est-ce-qu’on peut conclure de ces taux de glyphosate dans les urines ». Pour certains c’est dramatique, pour d’autres acceptable. Qui croire ? Les journalistes d’Envoyé Spécial, prudents, disent « Avec ce test, nous voulons juste montrer que tout le monde est concerné par la contamination. Avant sa commercialisation en 1974, personne n’avait de glyphosate dans ses urines et aujourd’hui, toutes les personnes que nous avons testées en ont. Cela nous semble intéressant. Mais nous ne disons pas que la quantité est dangereuse, puisqu’aucune étude n’a établi le lien entre la dose présente dans les urines et une quelconque maladie ».
Et après : des plaintes individuelles portées collectivement
La campagne glyphosate, au-delà de mesurer le taux de glyphosate dans ses urines, a pour objectif de porter plainte :
– Pour mise en danger de la vie d’autrui, tromperie aggravée et atteintes à l’environnement - destruction de la biodiversité, pollution des cours d’eau, des nappes phréatiques, des sols, etc.
– Contre toute personne impliquée dans la distribution et la large diffusion dans l’environnement de molécules de glyphosate.
Le panel des personnes visées par cette procédure est très large : il va des présidents et des membres des conseils d’administration de tous les fabricants de pesticides contenant du glyphosate en poste entre juillet 2017 et mars 2018, jusqu’aux présidents et membres de la Commission Européenne et les présidents et membres du Comité d’Appel de la Commission Européenne pour cette même période.
Aujourd’hui, où en est-on ?
La campagne est lancée dans environ 60 départements. En Occitanie des tests ont déjà été faits ou sont en préparation en Ariège, dans le Tarn et Garonne, dans l’Aude, dans le Lot, dans le Gard, dans le Tarn, en Haute Garonne.
Environ 100 plaintes ont été déposées à Foix, 48 à Toulouse à la mi-février.
Ces plaintes ont été transmises au pôle santé publique du TGI de Paris.
Aussi, lors des prélèvements, une enquête « cadre de vie » est remplie par les participants. Une analyse statistique et scientifique sera réalisée à partir de la base de données en cours de constitution.
À Toulouse
À l’initiative des Faucheurs Volontaires, une Association Campagne Glyphosate Toulouse (ACGT) a été fondée début novembre 2018. Son objet est de diffuser l’information sur cette campagne, d’organiser des séances de prélèvement d’urines et d’accompagner les plaintes.
La co-organisation entre des membres d’Alternatiba, d’ANV COP21, d’EELV, des Amis de la Terre Midi-Pyrénées, des Faucheurs et des citoyens concernés permet d’avoir des séances de prélèvement fluides et de partager les tâches multiples pour l’organisation en aval et en amont des prélèvements.
Une première séance de prélèvements a eu lieu le 21 décembre de 6h à 8h du matin au Hangar de la Cépière à Toulouse. Deux huissiers étaient présents pour constater la conformité du prélèvement aux préconisations du laboratoire d’analyse. Après un petit déjeuner en toute convivialité, il n’y avait plus qu’à attendre les résultats. Eh bien ils sont là, reçus individuellement par voie postale.
Le dépôt de plainte a été effectué.
Une deuxième séance de prélèvements a eu lieu le 7 février au même endroit et aux mêmes heures. D’autres sessions auront certainement lieu au printemps.
Pour plus de renseignements et pour s’inscrire une seule adresse : campagneglypho.toulouse (chez) gmail.com
Vous pouvez aussi consulter la page Facebook
Le coût de la campagne pour ses participants
Un déroulement valable de la campagne n’est possible que par la participation de nombreux bénévoles citoyens ou issus des associations et structures parties prenantes. Le Hangar de la Cépière est mis gracieusement à disposition. Outre les frais annexes (petit déjeuner après prise d’urine, tubes de prélèvements, etc.), deux postes incontournables et onéreux : les analyses par un laboratoire indépendant, et les prestations d’huissiers pour constater le respect de la procédure en vue des plaintes.
Le coût calculé au plus juste est de 85€ pour l’analyse seule et de 135€ pour l’analyse plus la plainte.
Les frais liés au procès seront pris en charge essentiellement par les fonds du financement participatif initié par les amis ariégeois qui centralisent la campagne.
Les Amis de la Terre Midi Pyrénées apportent leur soutien financier à cette campagne.
Il ne vous a pas échappé que pour chaque participant, l’engagement financier est lourd. Beaucoup n’ont pas la capacité financière de participer. Pensons aux familles qui veulent aussi participer avec leurs enfants, aux étudiants, etc.
Pour que le plus grand nombre puisse s’engager dans cette campagne, une cagnotte locale est en cours de constitution. Elle sera abondée par les structures parties prenantes et des particuliers. La solidarité se niche aussi là !
Association Campagne Glyphosate Toulouse Métropole (ACGTM)
14 allée Ile de France
31100 Toulouse
L’interdiction du glyphosate doit se substituer à la logique de responsabilisation individuelle.
Elle seule permettra de sortir, à terme, de cette contamination.
C’est un enjeu de santé publique.